Chapitre 5
L’être mystérieux attendait Marion, à la porte lumineuse. Contrairement aux autres fois, il avait repris sa forme véritable. Il paraissait encore plus grand dans sa nudité. Ses longs cheveux noirs
couvraient ses épaules. Ses oreilles étaient beaucoup plus grandes que celles des humains et pointues. Il avait un large front, au-dessus d’orbites noires, profondes et vides. Son nez était mince,
ses narines pincées. Ses lèvres rouges étaient épaisses et pulpeuses. Il avait un torse lisse, sans poil et un sexe démesuré, en érection. Son apparence était presque humaine, si ce n’est les deux
grandes ailes repliées, qu’il avait dans le dos. La surprise laissa Marion sans réaction.
- Ce soir, je veux que tu te transformes lui dit-il. Reprends pour moi, ton aspect, mais garde tes sensations humaines. Viens ma reine. La jeune femme se laissa faire et ferma les yeux
pendant que son corps se modifiait. Ses vêtements disparurent. Des ailes refermées apparurent dans son dos et ses pieds s’étalèrent se transformant en serres puissantes. Elle garda sa poitrine
humaine mais ses seins se gonflèrent et grossirent. Son visage ne fut que très peu modifié sauf ses yeux dont les orbites apparurent, sans les yeux. Ses cheveux s’allongèrent et prirent un beau
roux foncé. Au bout de ses doigts, ses ongles s’étirèrent et devinrent tranchants comme des rasoirs. L’ange saisit tendrement son visage dans ses mains et prit sa bouche. Elle se serra contre lui,
touchant sa langue avec la sienne, lui rendant son baiser passionnément. Son cœur battit plus vite, sa respiration s’accéléra.
- J’ai envie de toi, lui murmura-t-il. Marion était redevenue elle-même. Leur étreinte fut violente, leur orgasme continu, douloureux et passionné à outrance. Ils s’accouplèrent encore et
encore, leur corps d’ange ne ressentant pas la fatigue. Leurs caresses furent précises et leurs ongles trop longs lacérèrent leurs corps. Souffrance et volupté intenses se mélangèrent dans une
jouissance démesurée et indescriptible. Ils se prirent et se reprirent mutuellement, s’offrant et se possédant, tout à tour. Leurs ébats durèrent si longtemps que Marion ne put rentrer ce matin-là,
le soleil s’étant déjà levé. - Ne retourne pas là-bas dit-il, reste avec moi, mon aimée. - Non, pas encore, accorde-moi un peu plus de temps. - Bien. Mais à une condition répondit l’ange en
reprenant forme humaine. - Laquelle ?
- Je veux que tu séduises ton petit humain et qu’il te fasse l’amour.
-Mais, tu ne voulais pas !
- Eh bien disons que j’ai changé d’avis. Tu vas l’amener dans ta chambre, pour que je ne perde rien du spectacle. - Comme tu voudras, répondit Marion, soumise, en reprenant elle aussi, sa forme
humaine. A l’aube du jour suivant, Marion referma la porte dans le mur et partit dans le village en quête de Michel. Elle fit semblant de le rencontrer fortuitement.
- Bonjour, Michel lui dit-elle gentiment.
- Marion ! Tu n’es plus fâchée ? Pourquoi m’as-tu évité ? Tu me manques tant !
- Michel ! Tes questions, toujours. Viens je t’invite à manger chez moi, nous discuterons.
Et elle le tira par la main jusque devant sa maison. Elle se fit tendre et douce et insidieusement tenta le jeune homme. Lorsqu’ils eurent mangé, elle l’attira sur le divan, s’approchant de lui. Il
ne comprenait pas ce revirement mais tout à son bonheur, il ne vit pas le danger. Elle troubla et excita Michel jusqu'à ce que celui-ci s’enhardisse et commence à la caresser. Elle se laissa faire.
Ils étaient allés bien loin, lorsque Michel brusquement la lâcha et se recula.
- Non ! dit-il, pas comme ça. Marion ! Que se passe-t-il ? Tu me fuis depuis plus de quinze jours et tout d’un coup tu t’offres à moi !
- Je ne te plais plus ?
- Là n’est pas la question, Marion et tu le sais !
- Que veux-tu savoir ? demanda-t-elle.
La question le prit au dépourvu. Il mit quelques instants à réagir. Il reprit ses caresses, glissant sa main sous la jupe de Marion. Elle sourit.
- Où vas-tu chaque soir ? demanda-t-il doucement tandis que sa main progressait. - Nulle part, je vais me coucher dans ma chambre comme tout le monde, répondit-elle. - Qui te fait ces marques sur
le corps ? - Quelles marques ? Je n’ai aucune marque ! - Soulève ton polo ! Elle obéit. Sa poitrine était blanche, sans aucune cicatrice. - Où sont-elles ? Elles n’ont pas pu disparaître en quinze
jours ! - Mais, Michel, je n’ai jamais eu de marques ! Elle niait avec une telle conviction que Michel fut assaillit de doutes.
- Mais tu m’as dit l’autre jour que tu aimais la souffrance. Il y a bien quelqu’un qui ... Elle l’interrompit. - Caresse-moi dit-elle. Continue ! Michel ne savait plus que penser. Sa main se fit
plus précise, comme douée d’une vie propre et pénétra le sexe mouillé de Marion. Elle frissonna de plaisir.
- D’où vient cette lumière vive sur le mur de ta chambre, chaque nuit demanda-t-il, au moment où Marion s’y attendait le moins.
- ... Quelle lumière ?
- Marion, je t’en prie répond à mes questions !
- Non, je ne peux pas Michel. Il faut que tu m’acceptes comme je suis, sinon vas-t’en ! dit-elle, en se dégageant brutalement. Elle se précipita dans sa chambre, simulant les larmes et s’effondra
sur son lit. Michel la suivit, regrettant son attitude.
- Pardonne-moi, ma chérie, dit-il. Tu me parleras quand tu le désireras. Viens contre-moi.
Leur étreinte fut classique et sans surprise. Marion, excitée par les caresses trop sages, était loin d’être satisfaite. Elle se rendit compte à ce moment-là que son amant ailé avait raison. Michel
était trop gentil et trop sage. Il ne pourrait jamais lui offrir un millième des sensations qu’elle éprouvait avec son amant de l’autre monde. Elle ne pourrait pas non plus attendre la nuit pour
être satisfaite.
- Fais-moi mal, Michel, demanda-t-elle doucement.
- Non ! Marion, je ne peux pas faire une chose pareille.
- Je t’en prie insista-t-elle.
En quelque secondes, elle se mit à trembler, à suffoquer. Elle se roula sur le lit en bavant. Puis elle se mit à hurler en le suppliant de la frapper. Les tremblements s’accentuèrent comme si elle
avait une crise d’épilepsie. Michel lui caressa le visage et lui parla doucement pour la calmer. Sans le savoir, il faisait tout le contraire de ce qu’il fallait faire. Au bout de quelques minutes,
elle prit une belle teinte bleutée et commença à s’étouffer. Michel ne s’en rendit pas compte, mais une légère excroissance apparut dans son dos. Il se précipita dans le salon pour téléphoner. A ce
moment-là, la porte de la chambre se referma en claquant violemment. Michel voulut la rouvrir mais rien n’y fit.
- Marion !
- Ouvre-moi, dit-il inutilement. Il secoua la poignée mais il ne put ouvrir la porte. Il décrocha le combiné et appela Paul et une ambulance. Pendant ce temps-là, dans la chambre,
malgré la lumière du jour, une ombre apparut, gigantesque. Le vent s’était levé et tous les objets s’envolaient dans tout les sens. Le fracas était épouvantable. La silhouette s’approcha de Marion
et la gifla. Elle ouvrit les yeux.
- Calme-toi ! ordonna son amant, prenant forme.
- Je ...
- Ne parle pas ! Ferme les yeux. I
Il prit Marion dans ses bras et l’emporta. Paul et Michel enfoncèrent la porte de la chambre. Le désordre était inouï. La fenêtre était grande ouverte et Marion avait disparu. Le froid régnait dans
la chambre et il y avait du givre sur les meubles et une profonde odeur de souffre imprégnait la pièce. Les deux hommes se regardèrent.
- Mais, où est-elle ? demanda Michel, je n’ai pas quitté la maison.
- Elle a dû partir par la fenêtre.
- Dans l’état où elle était ? C’est impossible.
Paul entraîna Michel dehors.
- Viens, dit-il. Renvoie l’ambulance et partons d’ici.
- Je crois que j’ai raison dit Paul au bout d’un moment. Tu as vu l’état de sa chambre ? Tu as senti l’odeur de souffre ? J’en tremble encore. Cette fois, j’en suis sur, il y a un être
démoniaque là-dessous.
- Tu es bien comme tous les curés ! Dès que quelque chose est bizarre c’est l’œuvre du diable ! Je t’accorde que ce qui vient de ce passer n’est pas très normal, mais ce n’est pas une raison
pour y voir une manifestation démoniaque ! D’ailleurs je ne crois pas au diable !
- Evidemment ! Tu ne crois pas non plus en Dieu, malgré tes visites à l’église. Comment expliques-tu ce froid ?
- Nous sommes en janvier, c’est normal, répliqua Michel.
- Il y avait du chauffage, le radiateur était chaud, la fenêtre a dû rester ouverte au plus cinq minutes et il ne gèle pas dehors ! - Il y a sûrement une explication ! Son amant a du venir la
chercher.
- Tu l’aurais vu ! s’exclama Paul.
- Peut-être pas, dit Michel qui commençait à être à court d’arguments.
- J’ai un ami qui est spécialisé dans les possessions et tout ce qui touche aux démons et au surnaturel, veux-tu que je l’appelle ? demanda Paul.
- C’est un exorciste ?
- Pas tout à fait dit Paul. Il est médium.
- Si tu veux., acquiesça Michel de la lassitude dans la voix.