Marion posa ses mains sur ses joues et le sang à nouveau se tarit. Elle le caressa tendrement, le câlina.
-Est-ce que je guérirai ? demanda Michel.
- Je ne peux pas répondre dit Marion. Ta guérison ne dépend pas de moi.
- Et de qui ? De ton maître ?
- Ce n'est pas mon maître, répondit-elle doucement. Il est beaucoup plus que cela.
- Parle-moi, Marion. Je t'en prie. Je veux bien mourir, si c'est ta volonté, mais je voudrais savoir, avant.
- Je te répondrai demain.
Paul rendit visite à Michel dans l'après-midi et lui dit son inquiétude au sujet de Gabriel.
- Il n'est pas revenu ce matin dit-il.
- Peut-être est-il rentré chez lui ? dit Michel.
- Sans me dire au revoir ? Non, ce n'est pas son style. Je suis sûr qu'il lui est arrivé malheur.
- Il a sûrement été se promener ou prier !
- Non. Je les ai suivis hier soir. Il n'est pas ressorti de chez Marion. Je vais appeler la police.
- Ils ne le trouveront pas, dit Marion en entrant.
- Où est-il ? hurla Paul.
- Il a choisi son destin Paul. Tu ne peux faire qu'une seule chose pour lui, c'est prier.
Paul la regarda avec des yeux ronds.
Marion s'occupa de Michel et comme la veille, elle l'embrassa et il s'endormit jusqu'au lendemain.
Elle passa devant Paul en souriant, poussant l'audace jusqu'à lui caresser le visage.
- Veille sur lui, dit-elle.
Le démon l'attendait de l'autre côté de la porte. Il la serra contre lui, la posséda et jouit d'elle.
- Fais quelque chose pour Michel, demanda-t-elle.
- J'aime le voir souffrir.
- Oui, je sais, mais il va mourir s'il continue à saigner.
- Et bien qu'il meure ! jeta-t-il.
- Luc ! Je t'en prie ! Je te donnerai ce que tu voudras !
- Vraiment ? Tu es sérieuse ?
- Oui.
- Ce que je voudrai ? Sans concession ?
La jeune femme savait qu'en répondant par l'affirmative, elle s'engagerait dans quelque chose qu'elle regretterait peut-être, mais c'était le seul moyen de sauver Michel.
- Oui, dit-elle.
- Bien.
Il marqua un temps, puis continua :
- Tu vas l'amener chez toi, demain soir, face à la porte et je te permets de le préparer à ma vue dit-il.
- Que désires-tu en échange ?
- Toi.
- Mais tu m'as déjà !
- Oui, mais je romps notre pacte.
- Non ! supplia-t-elle. Je ne pourrai jamais me passer de la souffrance physique. Je ne peux la ressentir que dans un corps humain !
- Tu redeviendras un démon, continua-t-il imperturbable et tu resteras à mes côtés éternellement. Mais rassure-toi je continuerai à profiter de ton corps. Nos ébats seront différents c'est tout.
Mais peut-être y gagneras-tu, ajouta-t-il souriant.
Marion était bouleversée. Mais elle savait que de toute façon aucun humain ne pouvait faire jouir son corps, alors à quoi bon ! Elle était persuadée que Luc trouverait le moyen de transformer ses
sensations d'une autre manière. Il était profondément sadique et pour qu'il puisse jouir il lui faudrait bien une victime !
Elle rentra au petit matin et se rendit tout de suite chez Michel.
Paul était à son chevet. Michel dormait toujours mais le sang coulait abondamment de son visage. Marion se précipita et sans un mot et y posa ses mains. Mais il n'y eut aucun changement. Elle fit
des passes, le magnétisa, souffla doucement, mais sans succès.
- Il faut l'amener chez moi, tout de suite ! dit-elle à Paul.
Ils le portèrent jusqu'à la voiture. Paul conduisait et Marion tentait d'éponger le sang.
- Dépêche-toi Paul !
Ils montèrent le petit perron et Paul s'arrêta.
- Je ne peux pas entrer, gémit-il.
- Si, viens ! Tu ne risques rien, je te le promets dit Marion.
Paul tremblait comme une feuille agitée par le vent, en franchissant le seuil, mais rien ne se passa.
- Mettons le sur mon lit, dit-elle. Et maintenant attends-moi dans la cuisine Paul.
Le prêtre obéit sans demander son reste.
La jeune femme se dirigea vers la porte du mur mais ne l'ouvrit pas.
- Donne-moi le pouvoir, aujourd'hui encore, et ma vie sera tienne dit-elle les paumes dirigées vers le mur, la tête renversée en arrière et les jambes légèrement écartées.
Un vent doux passa à travers le mur et l'enveloppa. Elle se retourna et s'approcha de Michel. Elle tendit ses mains au-dessus de son visage et le sang s'arrêta.
- Il va mieux, dit-elle en revenant dans le salon, près de Paul.
- Tu ne vas pas me prendre aussi, celui-là ? demanda-t-il.
- Non. Il te sera rendu sain et sauf demain. Mais tu dois nous laisser, à présent.
Elle le raccompagna jusqu'au seuil.
- Adieu, Paul dit-elle. Ne cherche pas les réponses, il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir.
Elle retourna près de Michel.
- Réveille-toi ! ordonna-t-elle.
Le jeune homme ouvrit les yeux et regarda Marion.
- Mais, nous sommes chez toi ! s'exclama-t-il.
- Oui, il n'y a qu'ici que tu pourras guérir.
- Tu m'as dit hier, que tu ne pouvais pas.
- C'est vrai. Mais ce n'est pas moi qui vais le faire.
- Qui ? Vas-tu enfin me parler, Marion ?
- Ce n'est pas facile. Vois-tu, je ne suis pas la jeune fille que tu crois. Tu me vois sous une certaine apparence, mais ce n'est pas moi. En réalité, je suis une entité invisible, un ange déchu,
chassé jadis avec mon maître. Il m'a permis de prendre forme humaine, avec la liberté d'en faire ce que je veux, sauf de me donner à un homme. J'ai pu ainsi faire le bien et guérir des tas de
gens. Mais toutes les nuits je dois lui revenir, avec cette apparence-là et me soumettre à tous ses instincts même les plus cruels.
- Mais..
- Non, ne dis rien, laisse-moi continuer. Cet arrangement, je l'ai accepté librement et avec joie, car j'aime la souffrance. La possession d'un corps humain me donne la possibilité de ressentir
la douleur et d'en jouir indéfiniment tant que dure le supplice.
- Je ne peux pas le croire ! C'est impossible !
- C'est vrai, Michel. J'ai obtenu de vivre avec un corps magnifique et toujours jeune. Paul a entrevu la vérité et Gabriel l'a payé de sa vie.
- Mon Dieu ! dit Michel. Où est-il ?
- Là-bas dit-elle en montrant le mur. Près de mon maître.
- C'est un démon, n'est ce pas ? demanda Michel.
- Il est plus que ça, répondit Marion. Il est Lucifer, ange de lumière, Prince des Enfers et des Démons, chassé par Dieu et exilé avec d'autres, dans le monde des ténèbres.
Michel la regarda les yeux exorbités.
- Que va-t-il se passer, maintenant ? demanda-t-il enfin.
- Il va venir te guérir, car lui seul, en a le pouvoir.
Soudain, il réalisait tout ce que Marion venait de lui apprendre, qu'il avait tant voulu savoir et qu'à présent il regrettait de connaître. Comment, un simple mortel, pourrait-il supporter la vue
d'une telle monstrueuse entité ?
Il se mit à trembler de terreur.
Marion le caressa tendrement, comprenant sa peur. Elle ne lui dit plus rien, car elle n'était pas certaine de la suite. Allait-il se contenter de soigner Michel et de repartir ?
Elle était loin d'en être persuadée.
Ils restèrent sans parler très longtemps. Marion étanchait le sang toutes les heures.
En fin d'après-midi, un léger souffle se leva dans la pièce. Il était doux.
- C'est lui ? demanda Michel.
Marion acquiesça et posa ses lèvres sur la bouche du jeune homme. Leur baiser fut déchirant et bref, comme un baiser d'adieu.
Elle se dirigea vers la porte dans le mur et l'ouvrit. La lumière était aveuglante. Michel chercha à y plonger son regard, mais il fut ébloui par tant de clarté. Une ombre gigantesque s'avança.
Le jeune homme déglutit. Tout ce qu'il savait sur le diable lui revenait en mémoire : l'aspect du bouc, l'odeur infâme, le feu de l'enfer, etc.... Toutes ses croyances terrifiantes d'enfant.
Mais il n'était rien de tel.
Face à lui, apparut un homme d'une beauté inimaginable. Son visage était fin, ses lèvres rouges, son regard intelligent et perçant. Ses longs cheveux noirs étaient retenus sur sa nuque. Il était
grand avec de larges épaules. Il était entièrement vêtu de noir.
Il sourit en s'approchant de Michel qui était tellement terrifié qu'il faisait un effort incroyable pour ne pas s'évanouir. Mais il se sentait irrésistiblement attiré par cet être diabolique.
Il eut envie de s'offrir à lui. Il eut envie de lui donner son âme pour l'éternité. Il eut envie de lui offrir son corps en cadeau, pour son seul plaisir, pour qu'il en jouisse à tout jamais.
Il en était ainsi du pouvoir du diable.
Michel s'abandonna et ferma les yeux.
Le Prince des Enfers approcha sa main du visage mutilé. Ses ongles se posèrent sur chacune des stries qui s'étaient remises à saigner, et s'y plantèrent profondément. Michel frémit et se tendit,
mais ne cria pas. Avec une lenteur exaspérante, les ongles de démon descendirent le long des entailles, semblant vouloir les creuser davantage. Mais après leur passage, la peau se refermait à vue
d'œil. Michel souffrait bien plus que lorsque Marion l'avait blessé. La douleur s'était répandue dans tout son être comme une jouissance. Il la sentait, la respirait. Il aurait voulu que jamais,
elle ne cessât.
Il comprenait, maintenant, ce que ressentait Marion lorsqu'elle s'abandonnait à la souffrance pour son plaisir mais aussi pour celui de cet être infernal et diabolique.
Puis tout fut fini. Michel ouvrit les yeux. Satan le regardait de ses yeux de braises.
- Prends-moi ! supplia le jeune homme.
- Non, Michel. C'est Marion que je veux. Elle s'est offerte pour toi, pour que tu guérisses. Aujourd'hui, je te laisse à la vie, je te laisse loin de moi. C'est ton prix à payer.
- NON ! hurla Michel.
Il voulut se lever, mais il était engourdi. Il vit partir Marion, la main dans celle de son amant infernal.
La porte lumineuse disparut et le mur se referma à jamais.
FIN
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