Le blog de Marion


Chapitre 4


Dans les jours qui suivirent, elle évita soigneusement Michel. Elle était très froide quand il la croisait et elle refusait obstinément de lui parler. Inquiet, Michel se rendit chez Paul et lui raconta en partie ce qu’il s’était passé, lors de leur dernière rencontre. Il ne pouvait plus garder ce secret pour lui.
- Va la voir, lui demanda Michel, peut être qu’elle t’ouvrira. 
- Non, c’est impossible dit Paul, un peu trop rapidement. Michel fixa son ami, étonné. Paul fuit son regard. Il était embarrassé.
- Pourquoi ? demanda Michel
- C’est difficile. Je ... Ecoute, je suis désolé, mais.... Je ne peux pas aller chez Marion.
- Mais pourquoi ? répéta Michel. J’en ai assez de tous ces mystères. Paul, je l’aime comme un fou, aide-moi, je t’en prie. Paul prit une profonde inspiration.
- Assieds-toi, dit-il écoute-moi et ne m’interromps pas. Paul prit place en face de lui et lui tendit un verre de whisky en lui disant qu’il allait en avoir besoin.


- Lorsque je suis arrivé au village, il y a une dizaine d’années, Marion était là depuis bien longtemps. Le vieux curé que j’ai remplacé, m’a raconté des choses troublantes à son sujet. Il avait pris son poste quarante ans auparavant et elle était déjà là.
 - Et alors ? l’interrompit Michel, sur la défensive.
 - Tu oublies qu’elle a environ vingt-cinq et que je te parle de cinquante ans en arrière ! Attends ! poursuivit-il, laisse-moi parler. Ceci n’est qu’un des mystère et je lui laisse le bénéfice du doute. C’est peut-être sa sœur ou sa mère, avec une incroyable ressemblance, ce dont je doute fort. Déjà à cette époque, elle avait ce pouvoir de guérison qui fait le bonheur de tous. Il n’a jamais changé, ni baissé, depuis toutes ces années. Mais, laissons cela. Quand je me suis établi, je l’ai rencontré, comme tous les autres. Elle était gentille, agréable et si je n’avais pas été prêtre, tu peux croire que je lui aurais fait la cour. Mais, un jour j’ai voulu aller lui rendre visite, chez elle. C’était en été, en début de soirée, il commençait à faire sombre. J’ai frappé et quand elle m’a vu, sa première réaction a été de refermer la porte. J’ai frappé à nouveau et elle m’a dit de m’en aller, à travers la porte. Je ne comprenais pas son attitude. J’ai insisté, mal m’en prit. Elle m’ouvrit, le visage pâle et défait. « Allez-vous en, je vous en supplie, me dit-elle ». Elle n’avait pas fini de parler que toute la maison se mit à trembler. Les cadres tombèrent des murs, les meubles se renversèrent. Il y avait un vent violent et glacé qui tourbillonnait dans la pièce et une odeur indéfinissable, un peu comme du souffre. Marion se tenait face à moi, tremblante, une main sur sa bouche comme pour s’empêcher de hurler. Elle avait manifestement peur, et je t’assure que je n’étais guère rassuré non plus. Le vent devint encore plus violent et il se mit soudainement à geler. Tout se recouvrit d’une pellicule blanche, glacée, moi également, mais pas Marion. Je commençais à avoir très froid. Je ne pouvais pas parler et je me mis à grelotter. Il faisait de plus en plus froid, je pense que le thermomètre devait être à moins vingt, si pas davantage. J’étais en chemisette et j’ai pensé « tu vas mourir de froid en plein été ».
Marion s’est approché de moi et a voulu me tirer vers la porte, mais celle-ci était bloquée. Elle a pris une couverture sur le canapé, mais elle était gelée aussi. Alors elle a crié « Laisse-le » mais le froid augmentait de plus en plus. Marion s’est laissée tombée à genoux, elle a levé les bras et a dit : « Arrête, tu vas le tuer ! Arrête ! et je ferai tout ce que tu voudras ». Quelques secondes plus tard, la température était remontée et toutes les traces de ce qui venait de se passer avaient disparues. Les cadres étaient de nouveau au mur et tout était redevenu normal. J’étais choqué. Marion m’a enveloppé dans une couverture, m’a frictionné, m’a fait boire un breuvage de sa composition. Ses mains m’ont caressé et elle m’a guéri de mes gelures. Quand j’ai été mieux, elle m’a accompagné jusqu'à la porte, qui s’est ouverte. « Ne revenez jamais, m’a-t-elle dit. La prochaine fois, je ne pourrai pas l’arrêter et il vous tuera ». Voilà, je t’ai tout dit. Michel avait écouté son ami. Il aurait voulu ne pas le croire mais il savait bien que Paul lui disait la vérité.

 - Tu me crois ? demanda Paul.
 - Oui, bien sûr. Quelle est ton explication ?
 - J’en ai deux. Ou bien elle a des pouvoirs qu’elle ne contrôle pas et qui prennent le dessus sur sa propre personnalité, mais j’en doute. Ou bien elle est liée d’une manière ou d’une autre à une entité quelconque, peut-être bien démoniaque, ajouta-t-il.
 - Paul ! Tu n’es pas sérieux ! - Si, hélas. Les forces du mal existent et sous bien des formes. Marion est jeune, toujours jeune. Elle n’a pas de soucis financier. Elle a des pouvoirs extraordinaires et pas seulement de guérison. - Qu’est ce que je dois faire ?
 - C’est à toi de décider. Mais si cette entité a une telle puissance et si Marion lui appartient, je pense que tu n’as aucune chance. Et en plus, tu es peut-être en danger, ajouta Paul.
 - Et si c’était la maison ? demanda Michel.
 - Il est sûr qu’elle est partie prenante, car je n’ai jamais entendu parler de ce genre de phénomène ailleurs dans le village.
- Si on parlait à Marion, ici ?
 - Je ne sais pas, Michel. Il est possible que cet être voit ce qui la touche, même si ce n’est pas dans la maison. Mais il y a une chose dont je suis sûr. Nous ne devons pas les approcher, ni elle, ni la maison après la tombée de la nuit. Rentre chez toi et demain, on avisera. Michel repartit, mais ne put s’empêcher de faire un crochet par chez la jeune femme. La nuit était noire et aucune lumière ne filtrait de la maison. Elle doit dormir, se dit-il. Il allait faire demi-tour quand il vit une lueur à l’arrière de la maison. Il s’approcha. Un grand rectangle de lumière, comme un porte ouverte sur une pièce brillamment éclairée, se dessinait sur le mur. Les bords étaient flous et il ne vit rien qu’une clarté aveuglante. C’est alors qu’il remarqua l’odeur de soufre.
Ven 4 avr 2008 Aucun commentaire